Parlons de l’expertise en matière d’explosions

Introduction à l’expertise en matière d’explosions

Il importe de définir ce que l’on entend par explosion.
Des définitions précises des différents types d’explosion sont exposées dans l’ouvrage de Louis Médard (Editions Technique et documentation – Université Paris Sud ).

Pour simplifier, j’utiliserai les définitions qui suivent.

expertises explosions immeuble

Une explosion est un phénomène rapide de dégagement d’énergie accompagné de la création et de l’expansion d’un volume de gaz qui se traduit par une onde de pression.

Cette onde de pression entraîne l’émission d’un bruit et des destructions considérées comme les caractéristiques de l’explosion au sens courant des observateurs.

Cette définition englobe des types d’explosion aussi différents que :

  • les « explosions pneumatiques », produites par la rupture d’un récipient, dans lesquelles la pression intérieure exercée par le fluide qu’il contient exerce des tensions qui dépassent la résistance des matériaux du récipient ;
  • les « explosions électriques » provenant de l’éclatement d’un arc électrique entre deux points ou de la dispersion d’un fil électrique parcouru par un courant d’intensité élevée, phénomène physique impliquant une libération très rapide d’énergie ;
  • les «explosions nucléaires» dues : soit à la division d’un noyau atomique (phénomène de fission mis à profit dans la bombe A) ; soit à l’agglomération de plusieurs noyaux (phénomène de fusion mis à profit dans la bombe H) ;
  • les « explosions chimiques » qui ont pour origine des réactions chimiques subies par un corps ou un mélange de corps.

Aux explosions chimiques, les plus fréquemment rencontrées, correspondent par conséquent des composés définis ou des mélanges de corps capables de libérer dans une réaction chimique très rapide une grande quantité d’énergie.
Cette libération d’énergie s’accompagne généralement du dégagement d’un important volume de gaz porté à température élevée et exerçant sur le milieu ambiant une pression brutale.

La plupart des réactions chimiques en cause sont des réactions de combustion (combustion interne lorsqu’il s’agit d’un composé défini) entre des groupements porteurs d’oxygène (ou l’oxygène de l’air dans le cas des gaz) et des éléments facilement oxydables comme le carbone et l’hydrogène, les réactions dans lesquelles intervient l’oxygène pouvant être très vives et fortement exothermiques.

 

L’origine de l’énergie calorifique libérée par les réactions explosives permet de classer les substances explosives en deux groupes :

  •  les substances explosives « endothermiques », c’est-à-dire celles dont les molécules sont formées à partir de leurs éléments avec absorption de chaleur. Dans ce cas le dégagement de chaleur est dû uniquement à la décomposition de la substance explosive en ses éléments ;
  •  les substances explosives « exothermiques », dont les molécules sont formées avec dégagement de chaleur. Dans ce cas l’origine de l’énergie fournie par l’explosion correspond à la destruction de l’édifice moléculaire qui s’accompagne de réactions, qui libèrent de la chaleur. Se rattachent tout naturellement à ce groupe, les mélanges explosifs, constitués d’un ou plusieurs comburants (nitrates, chlorates, perchlorates…) et d’un ou plusieurs combustibles (charbon, hydrocarbures, dérivés nitrés…), dont les constituants peuvent ou non posséder des propriétés explosives.

Remarquez que contrairement à une opinion très répandue, et probablement due au fait que l’imagination a de tout temps été frappée par les phénomènes sonores et lumineux, qui accompagnent la décomposition des substances explosives condensées (solides surtout) couramment utilisées, celles-ci ne sont pas, loin s’en faut, des réservoirs énormes d’énergie.
Ainsi par exemple, du seul point de vue des quantités de chaleur disponibles, la combustion complète de 1 kg d’essence (soit 1,4 l environ) correspond à la décomposition explosive de 7,5 kg de nitroglycérine, 11,60 kg de tolite (TNT) ou 17 kg de poudre à canon.
Mais alors que la combustion complète de 1 kg d’essence réclame 16 kg d’air (soit 12,4 m3 environ dans les conditions normales de température et de pression), les décompositions explosives ont lieu sans apport d’oxygène et en un temps très court.
L’utilisation des substances explosives condensées ne présente en définitive un intérêt particulier que lorsqu’il est difficile d’emprunter à l’atmosphère extérieure l’oxygène réclamé par la combustion de la substance (cas notamment de la propulsion spatiale) ou nécessaire d’obtenir de grandes puissances instantanées pour obtenir des effets mécaniques intenses.

La pression des gaz provenant d’une explosion chimique peut être mise à profit en utilisant ses effets utiles (propulsion, travaux de mine, travaux publics…) mais peut également être responsable d’accidents très graves. Aussi dans son ouvrage sur « les explosifs occasionnels », Louis Médard est-il amené à distinguer d’un point de vue très pragmatique

 

 

    •  les « explosifs intentionnels » fabriqués en vue de leur utilisation pour leurs caractéristiques explosives. Ils sont utilisés à des fins militaires, civiles (travaux de carrière ou de démolition), ou criminelles ;
    •  des « explosifs accidentels » qui se forment inopinément par mélange d’oxydants et de réducteurs ;
    •  ou des explosifs occasionnels, fabriqués malgré leur caractère explosif plus ou moins connu pour un usage n’impliquant pas d’explosion.

Remarquez que les explosifs intentionnels sont des corps ou des mélanges de corps essentiellement condensés (donc liquides ou surtout solides) alors que les explosifs accidentels sont gazeux.

Les explosifs intentionnels sont utilisés notamment pour la fabrication d’Engins Explosifs Improvisés (EEI) mis en œuvre à des fins terroristes.

Le déclenchement d’une réaction explosive s’obtient par une excitation appropriée, qui porte le nom d’allumage ou d’amorçage et ne fait intervenir qu’une quantité d’énergie très faible vis-à-vis de l’énergie libérée par l’explosion elle même.
Lorsque, dans une phase explosive, la réaction chimique affecte simultanément la totalité de la masse en cause, on a affaire à une explosion homogène mais, dès que la masse explosive a une certaine importance, on peut douter que la réaction chimique déclenchée affecte simultanément la totalité de cette masse (qui peut être celle d’un corps ou d’un mélange homogène à tout instant et à une température uniforme).
Pratiquement, toutes les explosions que l’on rencontre et qui sont dites hétérogènes sont telles qu’amorcées en un point, la réaction chimique explosive se déroule dans une zone de très faible épaisseur (une fraction de millimètre) séparant le milieu qui n’a pas encore réagi (milieu dans l’état initial) de celui où se trouvent les produits de la réaction à haute température (milieu dans l’état final) et qui se propage de proche en proche sous la forme d’une onde.

Il existe deux types d’explosions hétérogènes caractérisés par des modes différents de déplacement de l’onde propageant la réaction chimique à l’intérieur du milieu explosif.

L’un « la déflagration », dans lequel l’explosion se transmet d’une particule de matière aux particules voisines grâce à la conductibilité thermique, à la convection et au rayonnement. A l’intérieur de la zone de réaction, le volume spécifique, la pression, la température et la vitesse matérielle varient d’une manière continue de la région initiale à la région finale.

La célérité de l’onde de déflagration est moyenne ou faible (subsonique) et fonction croissante de la pression que les gaz exercent sur le système explosif initial.

Les produits de l’explosion ont une vitesse dirigée dans le sens opposé au déplacement de l’onde. La pression sur le front de l’onde est moyenne, faible ou très faible.

L’autre « la détonation », dans lequel l’explosion se transmet par l’intermédiaire d’une onde de choc au travers de laquelle le volume spécifique, la pression, la température et la vitesse matérielle subissent une forte discontinuité.

La célérité de l’onde de détonation est très élevée (supersonique) constante et caractéristique de chaque système explosif.

Les produits de l’explosion sont lancés dans le sens de déplacement de l’onde. La pression sur le front de l’onde est très élevée.
Aussi divise-t-on les « explosifs intentionnels » en :

  • substances explosives déflagrantes dont la vitesse de décomposition est relativement faible et que, seules susceptibles d’emploi dans la propulsion des projectiles ou des roquettes, sont couramment appelées « poudres » parce qu’elles ont progressivement remplacé dans presque tous les usages d’agent propulsif la « poudre noire », qui, elle, se présentait sous une forme pulvérulente ;
  • et substances explosives détonantes dont la vitesse de décomposition est extrêmement élevée et qui sont encore désignées sous le nom d’explosifs brisants, car leur décomposition s’accompagne d’effets mécaniques destructeurs.

 

Ces explosifs se subdivisent eux-mêmes en :

  • explosifs primaires (ou explosifs d’amorçage) qui détonent presque toujours par choc ou lorsqu’ils sont allumés par une étincelle, une flamme ou tout autre source de chaleur de valeur convenable ;
  • et explosifs secondaires (ou explosifs de chargement) qui exigent en général pour détoner l’excitation d’un dispositif « le détonateur » renfermant comme élément essentiel un explosif primaire.

Observez toutefois que, suivant les modalités de déclenchement de la réaction chimique explosive et les conditions dans lesquelles se trouvent les explosifs, la plupart peuvent déflagrer ou détoner et, il est par ailleurs possible qu’après avoir déflagré de plus en plus vivement un système subisse brutalement une explosion détonante.

 

Les explosifs condensés et mélanges gazeux explosifs

Les phénomènes auxquels les explosifs donnent lieu obéissent aux mêmes lois, que ces explosifs soient condensés ou gazeux, mais certaines caractéristiques et les effets de ces classes d’explosifs sont quantitativement fort différents.
Ces différences tiennent avant tout au fait que les masses par unité de volume des explosifs condensés sont comprises entre 0,8 et 1,6 kg/dm3 alors que celles des mélanges gazeux explosifs sous la pression atmosphérique, ce qui est, le plus souvent le cas dans les immeubles où ils provoquent des accidents, sont de l’ordre de 0,001 kg/dm3.
L’énergie libérée dans l’unité de volume est par suite 1 000 fois moindre pour les mélanges gazeux explosifs que pour les explosifs condensés et la pression engendrée dans les mêmes conditions 2 000 à 3 000 fois plus faible pour les premières.

D’une manière générale les phénomènes sont d’une nature et d’un ordre de grandeur nettement différents pour les deux classes d’explosifs et les conditions et les effets de leur explosion présentent  des particularités très reconnaissables.

 

Les mélanges gazeux explosifs en milieu confiné

Limites d’explosivité

Remarquer que les systèmes gazeux explosifs qui se rencontrent dans les habitations sont des mélanges accidentels avec l’atmosphère, de gaz ou de vapeurs combustibles.
On peut toutefois se trouver dans de très rares cas en présence d’un gaz auto-explosif comme l’acétylène.

Lors de la déflagration de ces mélanges, le gaz porté à haute température dans la zone de très faible épaisseur, qui est le siège de la réaction explosive est lumineux et constitue la flamme, qui sépare le milieu qui vient de réagir (gaz brûlés) de celui qui n’a pas encore réagi et dont la progression est celle de l’entrée en réaction chimique les unes après les autres des couches de gaz non brûlé.

Par ailleurs, les gaz brûlés ainsi que le gaz n’ayant pas encore réagi sont en mouvement, le phénomène de déflagration d’un mélange gazeux explosif associant la réaction chimique de combustion, qui se propage selon une onde à des phénomènes d’écoulement des gaz, qui relèvent de la dynamique des fluides.

Retenez la particularité des mélanges gazeuxd ou d’une vapeur combustible avec l’air (ou un autre gaz comburant),qui ne sont susceptibles d’être enflammés que s’ils renferment une quantité suffisante de gaz ou de vapeur combustible et une quantité suffisante d’oxygène.

Un mélange trop pauvre ou trop riche en gaz combustible peut être le siège d’une combustion localisée au voisinage d’une source de chaleur introduite dans le mélange, mais, même si cette combustion donne lieu à une flamme, celle-ci ne se propage pas de proche en proche dans toute la masse.

En matière d’explosion, iIl existe donc pour chaque gaz ou vapeur combustible un « intervalle d’explosivité » qui est identique à l’« intervalle d’inflammabilité » lors d’un incendie.

Remarque : La formation d’un mélange gazeux explosif implique la diffusion dans l’atmosphère des gaz ou des vapeurs combustibles émis par une source de ces produits gazeux. Certains de ceux-ci comme le méthane ou le gaz livré par Gaz De France (qui renferme de 85 à 95 % de méthane) sont plus légers que l’air alors que d’autres comme le propane ou le butane sont nettement plus lourds. Les gaz ou vapeurs se répandent, bien entendu, dans tout le volume dans lequel ils sont émis ou introduits, mais initialement la concentration des plus légers tendra à être plus élevée dans les parties hautes du volume et celle des autres dans les parties basses de celui-ci. La diffusion est un phénomène particulièrement lent mais l’accélération apportée par les courants de convection créés par la ventilation normale des locaux fait que plus ou moins rapidement il apparaît dans ce volume un mélange gazeux dont la composition est comprise entre les limites d’inflammabilité et qui peut propager de proche en proche une combustion.

 

La source d’allumage

Un mélange de gaz ou de vapeurs combustibles et d’air ayant une composition (et une température) satisfaisant aux critères d’inflammabilité peut demeurer indéfiniment stable tant qu’il ne se trouve pas en présence d’une source d’allumage : parois chaudes et points chauds, flammes, étincelles d’origine mécanique ou de nature électrique (que ces étincelles proviennent du courant électrique ou de l’électricité statique) de caractéristiques convenables.

L’énergie et la température minimales exigées de la source d’allumage pour que cette dernière mette le feu à un mélange gazeux dépendent des proportions de combustible et d’air, le mélange le plus inflammable étant le plus souvent le mélange stœchiométrique (c’est-à-dire celui dont la combustion est complète sans excès de combustible ou d’oxygène) ou un mélange de composition voisine de celui-ci.

Dans la pratique, quelle que soit la composition du mélange, les sources courantes d’énergie, même les plus faibles, possèdent en général une énergie supérieure à la valeur minimale requise, qui est inférieure au millijoule.

Il n’en est par contre pas de même de la température minimale souvent appelée « température d’auto-inflammation » qui dépend non seulement de la nature des gaz combustibles et des proportions relatives de ces gaz et d’air mais également du mode d’inflammation considéré, la température d’inflammation au contact d’une paroi chaude pouvant varier par exemple de plusieurs centaines de degrés avec la nature et l’état de cette surface.

Dans un mélange gazeux non agité contenu dans une enceinte close et amorcé en un point par une étincelle électrique par exemple, la flamme a, au début, la forme d’une sphère dont le rayon va croissant, mais peu à peu, pour des raisons tenant aux conditions de mise en mouvement du gaz non encore brûlé et qui est gêné par les parois, la flamme se déforme et se déplace en allant vers la région centrale de l’enceinte.
Plus généralement, tout ce qui constitue un obstacle au mouvement du gaz non brûlé a pour effet de perturber notablement l’écoulement gazeux et de modifier la flamme ; si, par exemple, l’enceinte comprend deux compartiments communiquant par un orifice percé dans la cloison qui les sépare, la flamme amorcée dans un compartiment est comme attirée vers l’orifice et donne naissance à un dard allongé dans le compartiment voisin.
Des obstacles placés en chicane, ou même de simples aspérités de la paroi, sont la cause de troubles hydrodynamiques, qui modifient considérablement le mouvement de la flamme.

Les phénomènes sont rendus encore plus complexes lorsque la source d’inflammation n’est pas ponctuelle. La flamme alors ne sera pas initialement sphérique et se trouvera soumise à l’effet accélérateur des courants de convection ascendants dans le gaz non brûlé.

Lorsque le gaz est le siège de turbulences de quelque origine que ce soit, la flamme aura une forme très tourmentée et pourra même être divisée en une pluralité de surfaces de flamme. L’aire totale du front de flamme se trouve alors considérablement augmentée et, la quantité de gaz brûlé par unité de temps étant par conséquent très grande, la propagation de la combustion devient très rapide.

Quand l’enceinte présente une ouverture à l’atmosphère ou cette ouverture dans l’enceinte apparaît au cours de la combustion, toute élévation de la pression à l’intérieur de l’enceinte provoque une expulsion de gaz par l’ouverture :

  • soit du gaz non brûlé, si l’amorçage du mélange gazeux a lieu en un point éloigné de cette ouverture. Il y aura un mouvement général de ce gaz vers l’orifice et par suite un déplacement de la flamme dans la même direction ;
  • soit des gaz brûlés si le mélange gazeux est amorcé au voisinage de l’ouverture.

D’une manière générale il y a mise en mouvement du gaz non brûlé en avant de la flamme et c’est à la vitesse du gaz mis en mouvement au cours de ce phénomène désigné sous le nom de « chasse préalable » que sont dus pour une part les dégâts causés par les déflagrations.
Toutes choses égales par ailleurs, les positions respectives de la source de gaz combustible et de la source d’inflammation, la géométrie de l’enceinte close ou semi close, où se produit une explosion ainsi que la disposition des matériaux que renferme cette enceinte, influent considérablement sur le développement de cette explosion et par suite sur ses effets intérieurs et extérieurs.
Il est souvent très difficile de remonter des seuls effets extérieurs d’une explosion à la description complète de l’évolution exacte de l’ensemble des phénomènes.

 

Les explosions de gaz de ville

Des considérations générales qui précèdent, sur les explosions des mélanges gazeux, il convient de retenir que la recherche des causes d’une explosion en phase gazeuse implique obligatoirement l’examen des possibilités d’apparition simultanée au même endroit : d’un mélange gazeux inflammable, c’est-à-dire dont la composition (gaz combustible et air) est comprise dans « les limites d’inflammabilité » et d’une source « d’inflammation » d’énergie et de température convenables.
Il y a lieu d’observer que si la source d’inflammation doit forcément se trouver dans le volume où a lieu l’explosion, la source de gaz combustible, qui entre dans la constitution du mélange gazeux explosif, peut, par contre, être extérieure à ce volume, lorsque ce dernier, ce qui est généralement le cas des habitations, n’est pas absolument étanche au gaz combustible considéré.

A l’origine de sinistres survenus en France et à l’étranger, des sources extérieures de gaz combustibles ont très fréquemment été rencontrées, qui correspondaient à des fuites apparues dans des réseaux souterrains de distribution de gaz de ville et avaient souvent provoqué des explosions dans des habitations non alimentées par ces réseaux.
Le nombre des explosions imputables à des fuites survenues sur des gazoducs souterrains a même pris une telle importance aux Etats-Unis que le National Bureau of Standards (N.B.S.), à la demande du Safety Board, a effectué des recherches approfondies sur le problème général de la migration dans le sous-sol des fuites de gaz naturel (qui, à l’heure actuelle, est le gaz distribué dans la plupart des pays) en établissant un programme d’essais portant sur une zone de quelques 6 000 m2, pour déterminer le chemin parcouru par les gaz entre une fuite et les habitations détruites par une explosion ainsi que l’entrée de ces gaz dans celles-ci.

Ces essais montrèrent notamment que :

  •  les gaz, provenant d’une fuite, ne suivaient pas une canalisation particulière (par exemple, celle où elle s’est produite) mais traversaient de préférence le sol et les remblais rocheux ;
  • entre l’emplacement de fuite et les maisons où les explosions étaient survenues, il existait plusieurs voies de cheminement des gaz, et une habitation éloignée pouvait être atteinte alors que des maisons plus rapprochées étaient épargnées ;
  • ces gaz pouvaient pénétrer à l’intérieur des maisons par les entrées des canalisations, les conduits d’aération, à travers des planchers poreux, des murs de soubassement et même des murs construits en blocs de béton enrobés de mortier et d’asphalte.

La recherche des sources de gaz combustibles intérieures ou extérieures au volume dans lequel s’est produite une explosion est le plus souvent associée essentiellement à l’odeur de ces gaz, mais quelques remarques à ce sujet sont nécessaires.
En effet, les produits gazeux, incolores et inodores lorsqu’ils sont purs, les hydrocarbures actuellement utilisés comme combustibles domestiques ou industriels ou le mélange distribué d’une manière générale par Gaz de France et dont, comme nous l’avons vu, le méthane est le constituant principal, seraient indécelables par l’odeur, s’ils ne renfermaient, ainsi que l’impose l’administration, une faible addition d’un produit fortement odoriférant. Le plus souvent il s’agit de quelques cent millièmes de tétrahydrothiophène SC4H8, liquide de masse volumique voisine de celle de l’eau et de température d’ébullition 119-120° C.
La très faible quantité de produit ajouté suffit à rendre détectable dans une atmosphère des concentrations nettement inférieures à 1% du gaz venant directement d’une canalisation.

Cependant, lors de la circulation du mélange gazeux dans certains types de sol, le produit odoriférant peut se trouver adsorbé à un point tel que l’odeur du gaz issu d’une fuite souterraine a pratiquement disparu lorsque le gaz se dégage dans l’atmosphère.

A l’inverse, à l’air libre, le gaz de ville (à base de méthane) diffusant beaucoup plus rapidement que le produit odoriférant de masse moléculaire nettement plus élevée, l’odeur peut persister alors que la concentration en gaz combustible dans l’atmosphère est tombée à une valeur extrêmement faible.

Aussi, le Centre National de Prévention et de Protection (CNPP), dans les fiches qu’il a établies pour les différents gaz précités (qui reçoivent tous une addition odoriférante) insiste-t-il sur le fait qu’il serait pour le moins imprudent, du point de vue de la sécurité, de se baser uniquement sur l’odeur de gaz pour en rechercher les fuites.

Du bref exposé précédent, retenez surtout :

      •  qu’une fuite apparue sur une conduite ou un appareil à l’air libre, s’accompagne toujours d’une odeur très nette ;
      •  qu’une fuite apparue sur une conduite souterraine, peut n’être décelable ni par son odeur (si le produit d’addition odoriférant est adsorbé par le sol) ni au moyen d’un explosimètre aérien (en raison de la vitesse de diffusion du gaz dans l’atmosphère et du fait que cette diffusion peut se produire loin de la verticale de la conduite fuyarde.

 

Évolution de la toxicité du gaz de ville

Alors que le gaz de ville actuellement livré par Gaz de France est du gaz naturel contenant essentiellement du méthane et des hydrocarbures légers, le gaz livré jusqu’en 1970 avait une composition et par suite des qualités sensiblement différentes. Obtenu en effet par insufflation d’air et injection de vapeur sur le charbon, le gaz fourni à l’usager et désigné bien qu’incolore sous le nom de « gaz bleu », parce qu’il brûle avec une belle flamme bleue, renfermait des pourcentages importants d’hydrogène et d’oxyde de carbone, qui lui conféraient des caractéristiques d’inflammabilité et surtout de toxicité très particulières.

C’est dans le domaine de la toxicité que les différences qui existent entre les propriétés du gaz bleu et celles du gaz naturel présentent le plus d’importance pratique.
Le gaz bleu renferme en effet un constituant, l’oxyde de carbone, dont la toxicité est très nettement supérieure à celle des autres constituants de ce gaz et du gaz naturel, hydrogène ou hydrocarbures aliphatiques légers.
Bien que le « gaz bleu » ait été abandonné depuis plus de 30 ans, certains usagers continuent à penser que le gaz délivré par Gaz de France est toxique.
Des tentatives de suicide sont encore observées qui consistent à ouvrir les robinets des appareils alimentés au gaz ou à débrancher les tuyaux.
Une explosion se produit qui peut engendrer des dégâts importants sans que le candidat au suicide ne soit intoxiqué.

Il existe toutefois, même pour les gaz non toxiques, une valeur limite de leur concentration dans l’atmosphère.  L’introduction, en effet, de ces gaz dans cette dernière, entraîne un appauvrissement en oxygène. La concentration minimale d’air dans l’atmosphère pour assurer la respiration humaine est de 16%. Avec le gaz distribué par Gaz de France, ceci correspond à une concentration de 24%.

 

Les mélanges gazeux explosifs en milieu ouvert

La plupart des explosions de mélanges gazeux se produisent en milieu confiné.

En effet, les accidents observés résultent de la formation d’une atmosphère de méthane et d’air dans des bâtiments ou dans des enceintes suffisamment étanches pour qu’une quantité de gaz combustible soit présente et pour que la combustion du mélange provoque une augmentation de pression sur les parois.

A l’air libre, au voisinage de la source de gaz une source d’énergie peut provoquer l’apparition d’une flamme et nous sommes ramenés aux phénomènes exposés dans les articles « Méthodologie de l’enquête incendie » et « Enquête judiciaire après incendie« .
Cependant, dans des conditions particulières, un nuage de mélange inflammable peut se constituer et rester relativement stable jusqu’à l’apparition d’une source d’énergie.

C’est ainsi que la rupture d’une canalisation reliant un camion citerne à une cuve de propane a provoqué la constitution d’un nuage de propane et d’air dans une vallée alpine dans laquelle se situait un hôtel. Une source d’énergie provenant de l’hôtel a entraîné l’explosion du nuage. L’effet de souffle a provoqué le décès du chauffeur du camion et la destruction de l’hôtel.

L’explosion de Los Alfaques qui causa 217 morts était due au même phénomène : déversement de 25 tonnes de propylène à la suite d’un accident routier.

 

Les explosions en mélanges diphasiques

Les explosions de poussières

La plupart des composés solides inflammables peuvent se trouver sous forme de poudres ou de poussières.

C’est ainsi qu’ont été observées des explosions de poudre de charbon, de blé, de farine, de farine, de chocolat. L’hétérogénéité du mélange air poussière rend le mécanisme de l’explosion plus compliqué que celui des vapeurs inflammables homogènes.

Certains auteurs ont avancé l’hypothèse de l’adsorption (à ne pas confondre avec l’absorption) d’oxygène autour des grains de poussière avant l’explosion.

Si de nombreux essais ont été effectués, il n’a pas été possible de caractériser les atmosphères de poussières explosibles avec des limites inférieures et supérieures d’explosivité.

L’inflammabilité des mélanges dépend en effet fortement des dimensions des grains et de leur structure (leur forme et leur porosité).

Il est donc difficile de prévoir les explosions.

La prévention des effets consiste :

  • à éviter toutes sources d’énergie y compris les sources d’électricité statique et la formation de micro- étincelles créées par les frottements ;
  • à étudier l’architecture des réservoirs notamment en les équipant d’évents de forme et de dimensions appropriées.

 

Les explosions d’aérosols

Les caractéristiques hydrodynamiques des aérosols ont fait l’objet de nombreuses études, notamment en raison de leur importance en médecine du travail, les gouttes d’aérosols pouvant avoir sur l’organisme un effet néfaste en raison de leur nature et en raison des substances et des microorganismes que les aérosols peuvent transporter.

Si l’explosion de nuages d’aérosols en vase clos est un phénomène fréquent puisqu’il se produit dans tous les moteurs à injection, il est plus rare en milieu ouvert.

L’explosion peut survenir si le mélange air-aérosol combustible se trouve dans des conditions de température et de géométrie qui lui confèrent une stabilité suffisante, avant qu’une source d’énergie intervienne.

 

Les explosifs condensés

Contrairement à ce qui se passe pour les systèmes gazeux explosifs, la réaction explosive dans les explosifs condensés (explosifs essentiellement intentionnels) se propage sans emprunter d’oxygène à l’atmosphère extérieure.

De même à la différence des mélanges gazeux qui ne comportent qu’une seule phase, ne possèdent pas de surface libre et sont par suite en contact avec l’ensemble des parois du volume qui les contient et qu’ils soumettent à l’accroissement subit de pression, qui accompagne l’explosion, les explosifs condensés (solides le plus souvent) ont une structure beaucoup plus complexe.

Ils se présentent sous la forme d’un système solide à une seule phase, comme les blocs compacts plus ou moins gros destinés aux propulseurs ou sous la forme d’un système solide à plusieurs phases comme les mélanges intimes de petits grains que sont la plupart des explosifs de mine et ne sont en contact par leur surface extérieure qu’avec l’atmosphère et leur support.

Cette complexité de structure explique pourquoi les explosions des explosifs condensés sont bien moins simples que celles des mélanges gazeux explosifs.

Lors de la déflagration d’un explosif condensé, l’explosion se transmet de proche en proche d’une particule de matière aux particules voisines par conductibilité thermique et convection et les gaz brûlés provenant de l’explosion s’éloignent de la surface en réaction, qui, elle, se déplace vers l’extérieur de l’explosif, mais ce mouvement des gaz brûlés et leur écoulement est beaucoup plus compliqué lorsqu’on a affaire à de petits éléments que lorsqu’il s’agit de gros blocs.

L’allure de la déflagration varie en définitive beaucoup avec la forme, la structure et la densité de la matière explosive.

Comme la célérité de la déflagration est une fonction croissante de la pression que les gaz exercent sur la matière en combustion, la déflagration n’évolue pas de la même manière suivant que l’explosion se produit à l’air libre ou en vase clos à une densité de chargement plus ou moins grande.

C’est seulement en effet, en vase clos où la pression ne peut aller qu’en croissant, que la célérité de la déflagration désignée par les balisticiens sous le nom de « vitesse linéaire de combustion« , va en augmentant.

On comprend dès lors le rôle important que joue dans l’évolution de la déflagration la résistance des parois de l’enceinte où se trouve l’explosif.

Cet effet de confinement qu’exercent les parois de l’enceinte sur la déflagration de l’explosif solide s’explique par le maintien sous pression en contact avec l’explosif des gaz venant de la partie de ce dernier, qui vient de réagir. Grâce à ce contact, il y a amélioration de l’échauffement par conductibilité thermique et convection de l’explosif qui n’a pas encore réagi, mais si les parois de l’enceinte cèdent, la densité des gaz chauds autour de la matière explosive diminue brutalement et la déflagration peut s’arrêter lorsqu’on a affaire à des substances, qui ne sont plus aptes à déflagrer qu’au-dessus d’une pression limite.

Au-dessous de cette pression, toute déflagration est impossible.

 

De la déflagration à la détonation

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Sous l’effet d’un choc, d’une flamme ou de la chaleur, les explosifs condensés à l’exception des explosifs primaires qui détonent lorsqu’ils ne sont pas en couches minces, se consument par déflagration.

Comme nous l’avons vu dans le cas des mélanges gazeux explosifs, dans certaines conditions, après avoir déflagré de plus en plus vivement les explosifs peuvent subir une décomposition détonante.

Il ne s’agit pas d’un phénomène progressif au cours duquel la célérité de la déflagration croît jusqu’à atteindre la célérité de la détonation.

On observe toujours lors du passage déflagration/détonation une discontinuité brutale de pression.

 

Effets des explosions d’explosifs condensés

En ce qui concerne les déflagrations des explosifs condensés, leurs effets mécaniques à distance sont très variables.

      •  A l’air libre, la vitesse de combustion de ces explosifs étant généralement très faible, les effets d’une déflagration sont le plus souvent négligeables.
      •  En vase clos, la vitesse de combustion des mêmes substances augmente en même temps que la pression qui règne dans ce vase mais la déflagration ne peut avoir des effets à l’extérieur que si le récipient dans lequel elle se déroule se rompt à un certain moment. A l’instant de cette rupture une onde de choc est lancée dans l’atmosphère mais son intensité et par suite ses effets sont beaucoup plus faibles que ceux des ondes de choc provenant d’une détonation. On peut seulement craindre le dégagement de gaz chauds susceptibles de brûler sévèrement les voies respiratoires des personnes atteintes. Avec les explosifs condensés qui détonent, ces phénomènes sont d’une nature et d’un ordre de grandeur très différents. Au contact et au voisinage de ces explosifs détonants les matériaux solides, soumis à des pressions extrêmement élevées (qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de tonnes par cm2), sont rompus et leurs fragments lancés à très grande vitesse. Si la charge explosive repose sur le sol ou en est très voisine, une onde sismique est transmise à distance et le sol est retrouvé creusé localement. Lorsqu’on considère l’effondrement du sol à l’endroit même et autour du lieu de l’explosion, on admet que le rayon R du cratère dont on peut craindre la formation est lié au poids C de la charge qui détone par une relation de la forme R = k1C1/3R étant exprimé en mètres et C en kg et le coefficient k1 variant avec la nature du sol de 0,2 pour un sol très dur à 0,7 pour un sol sablonneux. Les gaz chauds et sous pression issus de l’explosion et capables d’enflammer les matières combustibles qu’ils rencontrent lancent dans l’atmosphère ambiante une onde de choc responsable des phénomènes dynamiques qui causent des dégâts aux structures, blessent plus ou moins gravement les êtres vivants et entraînent la détonation d’autres charges explosives voisines. On donne le nom d’effet de souffle aux phénomènes dynamiques précédents et la sécurité vis-à-vis de ceux- ci pose essentiellement le problème d’établir des formules reliant la charge d’explosif qui détone à la distance au-delà de laquelle on n’observe plus certains types de dégâts aux immeubles et certains effets sur les êtres vivants.

 

Des expériences réalisées tant en France qu’à l’étranger sur des moineaux, des pigeons, des cobayes, des chiens et des moutons ont montré que les distances minimales de survie pouvaient s’exprimer par une des formules suivantes :

Rs = ko C pour des charges ne dépassant pas 100 kg; ou Rs = k’o C1/3 pour des charges supérieures ;

Rs étant le rayon du cercle à l’intérieur duquel les animaux meurent soit immédiatement, soit dans les minutes qui suivent la détonation et C la charge explosive ;

Rs étant exprimé en mètres et C en kilogrammes, ko a pour valeur 0,5 pour les moineaux, 1 pour les autres animaux et pour les hommes et k’o = 1,6.

Au delà de la distance de stricte survie entre Rs et 2Rs, les animaux subissent des dommages allant d’atteintes légères à des lésions graves.

Quelle que soit la formule utilisée, elle n’est valable qu’en l’absence de projections solides et quand aucun obstacle n’est interposé entre le sujet et la charge explosive.

L’importance des masses critiques à réaliser rend peu probable la transformation en détonation de la déflagration d’un explosif condensé. Aussi la détonation d’un tel explosif est-elle toujours intentionnelle.

Les effets de la détonation sont d’une nature et d’un ordre de grandeur nettement différents de ceux des mélanges gazeux explosifs.
C’est au contact des explosifs condensés détonants eux-mêmes et dans leur voisinage que les matériaux soumis à des pressions extrêmement élevées (parfois plusieurs dizaines de tonnes par cm2) sont rompus et lancés à de très grandes vitesses.

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