Parlons hypothèse de pertinence et de la représentativité de la trace…
Cette hypothèse appelle éventuellement à la répétition de l’analyse de la trace notamment au regard de nouvelles inférences voire de sa conjonction avec d’autres indices matériels ou de nouvelles perspectives pour s’assurer de sa pertinence et, si c’est le cas, de sa représentativité.
En effet, unique et liée à un cas d’espèce, les deux hypothèses ne vont pas de soi et doivent être vérifiées impérativement par l’expert sous peine d’erreurs préjudiciables.
Cette vérification d’une part, est sous-tendue par la compétence technique de l’expert et d’autre part, est subordonnée à son expertise, c’est-à-dire son expérience, son aptitude à répondre aux questions que justifient ses résultats techniques et surtout à son discernement.
Pertinence de la trace
L’évolution de la science forensique doit passer par une analyse des notions élémentaires appartenant au quotidien et non se focaliser exclusivement sur le développement de nouvelles techniques.
La pertinence de la trace fait précisément partie de ces notions fondamentales trop peu considérées.
Or, elle implique nombre de questions et une multitude de paramètres intervenant dans le processus de raisonnement et de décision opérés sur les lieux d’investigation parmi lesquels : la formation, le savoir et l’expérience.
Les deux premiers paramètres sont aussi essentiels que le troisième pour aider et renforcer l’efficacité des spécialistes sur le terrain pour la collecte de traces pertinentes quand les contrôles de qualité et les protocoles standards sont devenus une réalité s’imposant dans les laboratoires de police scientifique.
La pertinence s’exprime par une relation entre la trace et le cas.
Il n’est jamais certain, a priori, qu’une trace détectée soit effectivement en relation avec le cas à résoudre.
La connaissance de séries criminelles en cours, la connaissance de modes opératoires et la connaissance des capacités de transfert et de persistance d’une gamme étendue de matériaux, objets ou signaux permettent de faire des hypothèses raisonnables de pertinence.
Il est aujourd’hui assez clair que la collecte tout azimut des traces sur une scène de crime en se réservant la possibilité ultérieure d’un tri fondé sur d’hypothétiques renseignements d’enquêtes est plus ou moins un leurre qui ne garantit en rien que la trace incomplète mais vectrice d’une information potentiellement utile soit présente.
L’observateur avisé mais surtout instruit des écueils à éviter et rompu aux gestes et raisonnements compétents, évaluera la situation et collectera avec discernement la majorité voire la totalité des traces pouvant éclairer sur l’affaire.
L’hyper compétence des spécialistes des diverses disciplines de la police scientifique capables de prouesses techniques des plus étonnantes s’oppose au caractère parfois sommaire de la formation de nombreux acteurs sur le terrain.
Or, ce sont ces derniers qui ont à assumer la tâche la plus délicate et la plus déterminante pour l’élucidation de l’affaire.
Il conviendrait que la police scientifique soit toujours associée à cette tâche fondamentale sur la scène de crime et que les phénomènes de transfert et de persistance de traces soient parfaitement appréhendés par les préleveurs sur le terrain.
C’est pourquoi une formation scientifique solide adossée à un tout aussi solide « sens du terrain » est un point essentiel pour développer les sens et les outils d’observation et de détection ainsi que la compréhension de la puissance d’information des différentes traces sur les sources et actions qu’elles traduisent.
Une évaluation rétroactive menée à l’école des sciences criminelles de Lausanne a montré que des stagiaires (sans expérience, mais formés) rapportaient en moyenne deux traces pertinentes sur trois au laboratoire alors que le personnel expérimenté (de formation policière traditionnelle non scientifique) ne rapportait, dans le même temps, qu’une trace pertinente sur trois.
La formation des hypothèses de pertinence est une démarche scientifique essentielle de la police technique et scientifique, sans celle-ci, la collecte des traces restera le maillon faible teinté d’amateurisme (parfois éclairé) qui affecte ce moyen d’investigation, malgré la reconnaissance de sa puissance intrinsèque.
Représentativité de la trace
On comprend aisément qu’une balle de calibre 9 mm ne saurait avoir été tirée avec une arme de calibre inférieur.
Il s’ensuit que le projectile de 9 mm dans un tel contexte n’est absolument pas représentatif de la source.
De même, la présence de traces de paracétamol dans le sang d’un cadavre et d’un comprimé de ce médicament dans sa poche n’est pas représentative du coma toxique qui a précédé sa mort.
Le lien est facile à écarter dans les deux cas.
En revanche, le dessin papillaire d’une trace digitale de qualité qui se conforme au dessin de l’empreinte avec lequel il est comparé, ou du profil ADN complet concordant assure une représentativité évidente de la source. L’ensemble des caractères comparés coïncident ou sont disjoints avec une telle acuité que l’expert n’a aucune difficulté à conclure.
Ce cas de figure est cependant souvent absent car lors de sa formation, la trace bénéficie d’un transfert imparfait de la source voire pollué de diverses manières (hétérogénéité initiale de la source, évolution divergente de la source et de la trace…). Dans ce cas, sans un raisonnement pertinent et des connaissances approfondies, la valeur probante de la trace en tant que pièce représentant la source peut échapper à l’analyste et conduire éventuellement à son exclusion du champ d’observation.
Comme il est très intéressant de réaliser des profilages en matière de stupéfiants et de psychotropes médicamenteux contrefaits. Il s’agit là, d’un exemple illustrant le caractère représentatif d’une trace par rapport à sa source ou à une action la concernant.
La systématisation de cette approche fait que le profilage des drogues est de plus en plus pratiqué.
Or il concerne l’exploitation de traces qui, à première vue, ne sont pas essentielles (souvent qualifiées d’impuretés sans intérêt) pour représenter une source ou une action.
Mais la répétition d’observations parallèles en rapport avec des saisies de drogues dispersées sur le territoire et en lien avec la détection de traces spécifiques, amène à des corrélations entre lots de fabrication ou de provenance géographique identiques.
C’est ainsi que la composition chimique d’une poudre d’héroïne qui résulte de l’acétylation de la matière première que constitue l’opium qui, à côté de la morphine, renferme de nombreux autres alcaloïdes, est un mélange complexe de produits acétylés et non acétylables.
Or, selon leurs lieux de culture et leur maturation, les pavots donneront des opiums de composition initiale très différente.
Il s’ensuit que le résultat de l’analyse chimique donnera des profils d’héroïne de composition spécifique qui, même lorsque la poudre est diluée pour la redistribution aux consommateurs, ne varient plus.
Des rapprochements sont alors possibles entre lots et par suite entre fabricants et distributeurs, ce qui rend possible le démantèlement de réseaux.
Là, il ne s’agit que de l’association du processus d’acétylation et de l’observation de ce que quelques traces naturelles alcaloïdiques (codéine, thébaïne, papavérine…), peuvent indiquer sur la provenance.
Mais les différentes étapes de l’extraction, de la fabrication, de la transformation, de la purification, de la mise en forme pour la vente et l’usage (ajouts volontaires de diluants et d’adultérants apportent leur lot supplémentaire de traces spécifiques, chacune d’elles pouvant être représentative d’une pratique particulière révélée par sa seule présence.
Tout en considérant le caractère souvent fruste des procédures ajoutant à l’hétérogénéité d’un même lot, il importe alors de rassembler ces données indiciaires, de les associer à d’autres données descriptives (formes et aspects des emballages, consistances), couleurs, odeurs, logos…) et situationnelles (circonstances de découverte, environnement, de mettre en œuvre des moyens de traitement de l’information mathématique, informatique et statistique adaptés (notamment des réseaux de neurones artificiels ANN) pour remonter aux sources potentielles.
Ainsi il est possible d’étudier le lien entre certains lots de cocaïne et leurs compositions résiduelles en traces de solvants.
Leur étude porte sur les solvants et l’emploi d’un système de transfert et de traitement automatique de données de type MySQL PHP. Ils parviennent alors à établir des seuils de décision permettant de déterminer la similarité de différents lots ainsi que les seuils de faux positifs ou faux négatifs.
Ce type de démarche est moins fréquent dans un autre domaine où la criminalité organisée est pourtant grave et florissante ; mais il existe néanmoins profilage forensique simple et généralisable des fausses pièces d’identité. En utilisant des moyens d’exploitation comparables, on peut se baser sur des caractéristiques matérielles analysables visuellement constituant une marque de fabrique du faussaire et établissent des liens entre fausses pièces d’identité provenant d’une même source. En Suisse, leur étude a permis de rapprocher 30 à 50% d’un collectif important de fausses pièces issues de 9 cantons suisses et d’établir des renseignements d’ordre stratégique et opérationnel utiles à la lutte contre ce genre de fraude.
Il en est de même des travaux dans le cadre de la contrefaçon des médicaments, établissant à partir de spectroscopies infrarouge (NIR) et de spectroscopie Raman, des liens chimiques entre les saisies de médicaments contrefaits au moyen de différents algorithmes de classification.
Un autre exemple très caractéristique de la démarche est l’exploitation des traces de constituants volatils et de résidus plastiques sur des montres contrefaites possédant un bracelet parfumé pour établir des profils discriminants, comprendre le mode de production et confondre les contrefacteurs.
Il paraît clair à travers ces exemples qu’on gagnerait beaucoup en matière de police scientifique à focaliser davantage l’opérationnalité sur ces critères de pertinence et de représentativité des traces.
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