L’intervention nécessaire de la médecine légale dans l’enquête de police scientifique, se fait par le biais du médecin légiste présent sur la scène crime et puis ensuite en salle lors de l’autopsie.
Le médecin légiste est-il un technicien de scène de crime ?
Le médecin légiste est un intervenant important sur la scène de crime.
La levée de corps, qui consiste idéalement en un examen du corps sur place et en place, ne doit pas être négligée.
Un « œil médical » sur le corps et son environnement, sur les lieux, sur les indices, sur les prélèvements, a prouvé son utilité et son efficacité dans un grand nombre d’affaires.
Le médecin légiste doit considérer qu’il fait partie d’une équipe et qu’il est également un technicien de scène de crime.
Il doit aussi être considéré comme tel tout en gardant bien à l’esprit son domaine de compétence : la partie « médicale » des constatations.
Abordons son rôle sur la scène de crime dans une perspective de collaboration constante avec les différents spécialistes de criminalistique.
Il faut cependant souligner que la présence du médecin légiste sur les lieux d’un crime ne fait pas l’objet d’un consensus.
Ainsi, en France, des services de médecine légale et des unités médico-judiciaires ont été créés dans de nombreuses régions et un médecin légiste de garde se déplace à la demande des enquêteurs.
Certaines contrées de France restent dépourvues de médecins compétents ou disponibles en la matière.
En Grande-Bretagne, les « police surgeons » travaillent depuis longtemps au profit de la Police, sélectionnant les cas où il est nécessaire de faire appel à un médecin légiste.
Aux Etats-Unis, le déplacement du médecin légiste est exceptionnel.
Dans certains États, interviennent des « investigators », enquêteurs spécialement formés à la médecine légale.
Toutes notions d’organisation, de coût ou de disponibilité, étant écartées, le problème clé me paraît être le suivant.
Doit-on réserver la présence du médecin légiste aux homicides complexes ou doit-on le faire venir sur toutes les découvertes de cadavres, son expérience lui permettant parfois de révéler le caractère suspect d’un décès ?
La sagesse dirait que l’emploi du médecin légiste doit être le plus large possible.
Raisons requérant obligatoirement un médecin légiste
Il y a des nécessités médico-légales classiques à la venue du médecin légiste sur les lieux de découverte d’un cadavre :
Estimer le temps écoulé depuis le décès :
- faire une analyse clinique des causes et des circonstances du décès ;
- lutter contre le dépérissement des preuves ;
- identifier le corps.
Des recommandations européennes datant de 1999 ont dressé une liste des obstacles médico-légaux à l’inhumation qui doivent conduire à la pratique de levées de corps et d’autopsies.
La « levée de corps » constitue une urgence médico-légale qui justifie bien un large recours au médecin légiste.
Mais pour être efficace, il faut qu’un maillage territorial suffisant soit mis en place au profit des forces de police et des magistrats.
Pour le médecin légiste qui fait l’autopsie, participe à la reconstitution des faits, témoigne au procès, sa présence sur les lieux lors des constatations est une plus-value évidente à la qualité de ses observations ultérieures.
Quand doit-on appeler le médecin légiste ?
Dans le cas par exemple de l’homicide avéré alors que l’enquête judiciaire et les opérations de police technique et scientifique sont déclenchées, le médecin légiste doit être appelé.
A quel moment, faut- il le faire venir ?
Il est difficile de répondre à cette question car il n’y a pas de consensus et cela dépend des situations.
Dans certaines circonstances, le spécialiste de criminalistique sera tenté de vous dire que le gel des lieux prime et que l’abord du cadavre est secondaire, les indices fragiles, les traces et micro traces devant d’abord être préservées.
A l’inverse, d’autres spécialistes considèrent que l’examen précoce du cadavre peut fournir rapidement des indices quant aux causes et aux circonstances du décès et qu’il s’agit de ne pas perdre de temps pour fournir ces informations à l’enquêteur. Dans ce second cas, il s’agit de concilier l’action du médecin légiste avec la préservation de la scène de crime.
La mise en place de fiches réflexes du technicien de scène de crime ou de l’enquêteur pour l’appel du médecin légisteIl est, en pratique possible, et proposerai un véritable listing des cas où la présence d’un médecin légiste doit être un réflexe pour l’enquêteur et le technicien de scène de crime.
Sans pouvoir être parfaitement exhaustif, nous aurions :
- homicide ou homicide suspecté ,
- mort soudaine, inexpliquée, y compris la mort subite du nourrisson,
- suspicion de torture ou de mauvais traitements,
- suicide ou suspicion de suicide,
- responsabilité médicale,
- accidents domestiques, de sport, de transport,
- accidents du travail,
- catastrophes technologiques ou naturelles,
- décès en garde à vue ou en prison,
- corps non identifiés.
- personnes connues, aspects sensationnels des faits («Major scènes» des anglo-saxons, difficultés de l’enquête liée à la pression des médias),
- décès multiples.
- identifier ou éliminer une arme potentielle.
- vérification des dires d’un suspect,
- reconstruction de la scène (compliquée à analyser ou à reconstruire quant aux événements) :
- identification auteur/victime dans les scènes de type homicide suivi de suicide,
- séquence d’événements avec activités prolongées dans le temps et/ou utilisation d’armes multiples,
- vérification des possibilités de mouvements ou d’actions effectués par la victime avant sa mort en tenant compte des blessures observées, des indices et des témoignages. Questions à se poser avant toute manipulation du corps
Avant toute manipulation du corps, des questions doivent être posées par le médecin légiste.
-
- Dans quelles conditions la découverte du corps a-t-elle été faite ?
- Le corps a-t-il été bougé ? Pourquoi ?
- A-t-il eu des gestes de réanimation ?
- A quelle température étaient initialement les lieux ?
- La victime avait-elle des problèmes de santé ?
Les équipes de premiers secours ont la plupart du temps déjà quitté les lieux lorsque le médecin légiste se présente et c’est bien souvent l’enquêteur ou le technicien de scène de crime qui fournit les premières informations.
Dans certains pays, des documents existent, remis par les forces de police ou fournis par les premiers secours, sur lesquels sont mentionnés les gestes effectués.
En pratique, bien que toute standardisation soit difficile, le technicien de scène de crime peut guider le médecin légiste dans l’abord du corps en délimitant un itinéraire, dont il aura au préalable sauvegardé les traces en évitant les contaminations et les risques relatifs à l’hygiène et à la sécurité.
Des dispositifs spéciaux (plateaux ou tapis) peuvent être déployés mais n’excluent en aucun cas la nécessité pour le médecin légiste d’être équipé (combinaison, gants, masques, sur-chaussures…).
Le médecin légiste doit être conscient du risque de déperdition des preuves.
Il doit aussi conseiller les enquêteurs et les techniciens vis-à-vis des risques éventuels encourus sur les lieux.ConseilsAvant toute manipulation du corps, il peut conseiller des prises de vues photographiques ou vidéo.
Il doit examiner attentivement les vêtements, les plaies visibles, la forme et l’orientation des taches de sang, des écoulements. Il doit apprécier la position du corps et sa compatibilité avec l’aspect des vêtements, sa rigidité, les lividités, le degré de putréfaction.
Un examen sous éclairage ultraviolet par le technicien de scène de crime, permet de repérer les fluides biologiques sur le corps ou sur les vêtements.
La manipulation du corps ne commence que lorsque tous ces éléments ont été relevés, fixés, répertoriés ou prélevés.
Doit-on déshabiller un corps sur la scène de crime et si oui comment ?
Le corps peut éventuellement être déshabillé et examiné sur place.
Cette notion ne peut faire l’objet d’un consensus.
Elle est au contraire très critiquée s’il s’agit d’un homicide avéré ou fortement suspecté.
S’il est vrai que les conditions d’équipement, d’éclairage, d’assistance, de confort sont bien meilleures en salle d’autopsie, en particulier si le cadavre est carbonisé ou putréfié, dans d’autres circonstances, un examen attentif sur place est important à la recherche de lésions et à leur examen si les circonstances du décès sont mal définies (suicide, accident, homicide, mort naturelle).
Examen du corps sur place
Si les conditions le permettent, le corps est examiné en place ou sinon à proximité, dans un endroit attenant.
Il peut être examiné sur une housse plastifiée neuve, préservant ainsi toutes traces et indices qui s’en détacherait.
Les mains doivent être examinées attentivement et en collaboration avec le technicien de scène de crime, poils, fibres ou matières qui se détacheraient facilement des ongles sont prélevés.
De même des tamponnoirs pour résidus de tirs peuvent être faits dès ce moment sur les mains ou les orifices supposés de projectiles.
Les mains et les pieds doivent être emballés dans des sachets de papier avant transport du corps.
Etude des vêtements
L’étude des vêtements est un temps important de l’examen du corps.
Le type de vêtements, leur agencement, les déchirures, les orifices doivent être repérés et inventoriés.
Le technicien de scène de crime pourra utilement, à ce moment, prélever les poils ou fibres collés sur les vêtements à l’aide de rouleaux ou de feuilles d’adhésifs.
Le conditionnement adapté des vêtements peut ensuite être réalisé.
La qualité de ce conditionnement permettra des examens ultérieurs en laboratoire de criminalistique.
La collecte systématique des vêtements pour le médecin légiste qui fera l’autopsie n’est pas toujours justifiée.
Recueil de traces et d’indices
Sur place, le corps peut être examiné sur toute sa surface et au niveau des orifices naturels.
Toute trace de morsure, toute tache pouvant être évocatrice notamment de la présence de sperme, de salive, peuvent être « écouvillonnées » indifférement par le médecin légiste ou bien le technicien de scène de crime avant que le corps ne soit manipulé ou emballé pour le transport, ce qui évitera souillures et contaminations.
Toutes les traces dites « de défense », les signes de prise de produits stupéfiants, les contusions, les plaies seront examinées puis photographiées par le technicien en plans d’ensemble et rapprochés (avec échelle métrique et numérotation) selon les conseils du médecin légiste.
C’est un temps primordial de l’examen, car c’est à ce moment que le médecin légiste est le plus à même et le plus compétent techniquement pour faire le lien éventuel entre une lésion, la position du corps et l’environnement, qu’il s’agisse d’un objet, d’un autre individu ou de traces.
Estimation du délai post mortem
[private]
Plus la prise en compte de paramètres utiles à l’estimation du délai post mortem sera précoce, meilleure sera la réponse.
Pour ne parler que des critères les plus classiques, l’évaluation du degré de putréfaction, de la rigidité, des lividités, l’aspect des globes oculaires, la mesure de la température corporelle, le prélèvement d’humeur vitrée sont des actes médico-légaux routiniers en médecine légale.
Etude des caractéristiques
L’identification certaine d’un cadavre est indispensable pour l’enquête, elle doit donc faite rapidement mais elle n’est pas toujours aisée et tout indice peut être utile.
Lors de l’examen du corps, le médecin légiste peut repérer des caractéristiques morphologiques ou pathologiques, des cicatrices, des malformations, des tatouages.
Tous ces éléments doivent être photographiés. Il en est de même pour le visage de face et sur les deux profils lorsque cela est possible.
La présence du médecin légiste est aussi fortement utile lors de la découverte de restes osseux, de corps carbonisés ou disloqués car il est le plus à même de différencier ce qui est un reste humain de ce qui ne l’est pas.
Transport du cadavre de la scène de crime à la morgue
L’examen du corps étant terminé, celui-ci peut être évacué vers la morgue.
Aidé du technicien de scène de crime, le médecin légiste veille aux conditions de transport du corps.
Il vérifie également l’emplacement initial du cadavre à la recherche d’indices qui ne seraient pas immédiatement apparents, cachés par exemple dans des débris divers comme de la terre, de l’herbe, une flaque de sang…
Compte rendu du médecin légiste au directeur d’enquête
Les opérations de police technique et scientifique peuvent se poursuivre et le médecin légiste doit s’entretenir avec le responsable criminalistique de la scène et avec le directeur d’enquête.
Il peut fournir un compte- rendu oral et/ou un rapport écrit de levée de corps dans lesquels il mentionne ses constatations et les hypothèses prudentes et réservées quant aux causes et aux circonstances possibles du décès.
Les dires du médecin légiste à ce moment peuvent s’avérer particulièrement importants et réorienter dans certains cas l’enquête, les priorités à donner à la recherche d’indices et aux prélèvements à effectuer et au recours éventuel à des spécialistes dans différents domaines de la criminalistique.
Par la suite, après l’autopsie, le médecin légiste, en vue de vérifier ou d’étayer certaines hypothèses peut être amené à retourner sur les lieux ou à confronter ces observations et hypothèses avec celles formulées par les techniciens de scène de crime.
[/private]