Traiter de la scène de crime et de sa gestion, c’est aborder la criminalistique dans son ensemble.
Il s’agit de la recherche et de l’exploitation des traces et indices en vue de la manifestation de la vérité.
Cela fait donc appel à de nombreuses techniques et disciplines scientifiques et à de nombreux acteurs spécialisés.
Jusque dans les années 80, on faisait une distinction entre police technique et police scientifique et donc d’une part, entre les opérations techniques réalisées sur la scène de crime (recherche, préservation et prélèvements des traces et indices), et d’autre part, les analyses menées en laboratoire de police consistant en l’exploitation des indices.
Si l’on compare la France et la Grande-Bretagne à cette période, un certain nombre d’évolutions se dessinent.
En Grande-Bretagne, où la criminalistique est déjà bien développée, des échecs judiciaires mettent cependant en lumière dans certaines affaires l’absence de relevé de traces matérielles et l’utilisation exclusive de témoignages et d’aveux ou bien dans d’autres cas, l’utilisation de traces, non pas pendant la phase d’investigation mais a posteriori pour démontrer des faits.
L’affaire de l’éventreur du Yorkshire en est un exemple.
Entre 1977 et 1982, il tue13 femmes et en agresse beaucoup d’autres.
Il est finalement arrêté par hasard et par chance : il fut arrêté le 2 janvier 1981 à Sheffield par la police lors d’une ronde de nuits dans un quartier de prostituées en raison du caractère suspect des plaques d’immatriculation de son automobile qu’il avoua avoir volées. Le lien avec les meurtres fut définitivement résolu 4 mois plus tard.
L’examen rétrospectif des cas montre que, la réalisation d’investigations scientifiques avec coordination et intégration des résultats dans l’enquête, auraient résolu plus précocement l’affaire.
En découlent un certain nombre de recommandations pour la gestion des affaires complexes.
L’ACPO (Association of Chief Police Officer) dissoute en 2015 et remplacée par le National Police Chiefs’ Council (NPCC) publie des manuels relatifs à la gestion des scènes de crimes complexes.
L’un d’eux, le MIRSAP (Major Investigation Incident Room Standardized Administrative Procédures) souligne le rôle du « scientific support coordinator » (coordinateur de police scientifique) et du « crime scene manager » (gestionnaire de scène de crime). Est également créé le système informatisé d’aide à l’enquête appelé HOLMES.
La France, quant à elle, vit avec beaucoup d’émotion les difficultés de plusieurs enquêtes et investigations policières dont l’affaire Gregory.
Dans cette affaire, on assiste à un véritable échec dans l’établissement de la preuve par les indices en raison de l’absence de constatations scientifiques de qualité.
La faiblesse des moyens techniques de l’époque est évidente.
La modernisation de la police technique et scientifique ( PTS ) est décidée sous Pierre Joxe, ministre de l’intérieur, en 1985.
On voit apparaître les fameux Techniciens de Scène de Crime (TSC) dans la Police Nationale et les Techniciens en Identification Criminelle (TIC) dans la Gendarmerie Nationale.
Les laboratoires de police scientifique sont modernisés et la Gendarmerie crée l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale ( IRCGN) à vocation nationale.
Force est de constater, et c’est une tendance qui concerne l’ensemble des pays modernes, que la preuve scientifique et l’utilisation de techniques de plus en plus sensibles dans le traitement des indices fragiles prennent une place sans cesse croissante dans les investigations criminelles.
Il est certain que la médiatisation de nombreuses affaires judiciaires et l’accès aux empreintes génétiques ont été un élément moteur de cette évolution.
Les scientifiques se trouvent de plus en plus sollicités sur la scène de crime.
La preuve scientifique est souvent mise au premier plan devant l’aveu ou le témoignage et elle est discutée par les parties. Parallèlement, le concept d’assurance qualité qui se développe dans les laboratoires de police technique et scientifique, concerne aussi la scène de crime et sa gestion.
La scène de crime est au centre de la criminalistique.
C’est un enjeu majeur pour l’enquête judiciaire.
L’évolution de sa gestion a été déterminante ces dernières années mais elle est loin d’être achevée et les concepts ne sont pas encore clairement définis et/ou utilisés par les différents acteurs.
L’exploitation de la scène de crime, point clé d’une affaire, reste encore dans certains cas un maillon faible dans l’enquête. Bischoff en 1938 déclarait : « Les premières constatations faites dans n’importe quel crime ou délit sont la pierre angulaire de tout procès ».
Une enquête judiciaire comporte deux aspects, l’enquête traditionnelle et l’enquête technique.
Cette dernière nécessite de déterminer, gérer et évaluer les moyens et les personnes à mettre en œuvre au plus proche de l’enquête et dans la durée.
La notion de coordination va s’avérer primordiale pour gérer la scène de crime.