Parlons de la méthodologie de l’ enquête incendie.

methodologie enquete incendie

L’origine de l’ incendie

La recherche de la zone d’origine de l’incendie impose l’étude du site incendié.
Elle procède des démarches suivantes : identification des destructions, recherche de la dynamique du feu, de la direction des destructions, examen en progressant d’une vue générale aux points particuliers.

        •  Vestiges des matériaux et des installations.
        •  Recherche du point le plus bas des destructions maximales. Selon le Principe d’Archimède, les gaz chauds montent. Il peut y avoir des destructions importantes à un niveau plus bas que le point d’origine de l’incendie en cas de chute de matériaux inflammables : la chute de pièces de charpente ou de planchers enflammés par exemple. Ceci se produit notamment en cas de feux prolongés.
        •  Examiner en particulier les dégâts à proximité de sources d’énergie (appareils de chauffage, installations électriques, cheminées, etc.).
        •  Rechercher la mise en œuvre éventuelle de dispositifs de mise à feu à distance ou avec retard : bougie, systèmes électroniques, mécaniques, accélérants (analyses possibilités et limites).
        •  Recueillir les témoignages et les informations sur le départ et sur les matériaux présents : témoins directs, pompiers, police.

Les causes de l’ incendie

La détermination de la cause d’un incendie consiste à identifier la nature des combustibles et de la source d’énergie tout en s’assurant de la disponibilité d’un comburant.

La naissance d’un incendie suppose que trois conditions soient simultanément remplies en un même lieu (le triangle du feu) :

  • la présence de combustibles ;
  • la disponibilité d’un comburant ;
  • la possibilité d’un apport d’énergie.

Les combustibles présents

Matériaux naturels et organiques

L’examen des lieux incendiés a notamment pour objectif d’identifier tous les objets et matériaux combustibles.
Cet examen doit être complété autant qu’il est possible, par les déclarations des occupants ou par des témoins.
En cas de nécessité il est possible de procéder à des analyses, qui à partir de l’identification des matériaux carbonisés, permettent de remonter à la nature des matériaux combustibles dont ils proviennent.

Dans la nature, les combustibles sont nombreux.

Plus précisément, la matière vivante et ses produits de dégradation sont constitués principalement de carbone, d’hydrogène, d’oxygène, d’azote et de soufre.

Les hydrocarbures, constituants de tous les produits pétroliers parmi lesquels figure le méthane constituant principal du gaz naturel, sont présents avec une telle abondance de carbone et d’hydrogène, qu’il n’est pas étonnant que les incendies soient fréquents.

Le bois

Parmi les matériaux naturels utilisés dans la construction, le bois a occupé depuis longtemps une place privilégiée.
C’est un matériau abondant, renouvelable, façonnable, résistant à la traction et à la compression alors que le béton par exemple résiste mal à la pression.
Pour des raisons de confort écologique le bois connaît un regain d’intérêt.
Il reste cependant un des combustibles les plus fréquents dans les incendies.

Rappel sur la combustion du bois :

Le bois est principalement constitué de cellulose qui brûle théoriquement selon les réactions de principe suivantes :

C6H10O5 + 6O2 → 6CO2 + 5H2O

C6H10O5 + 3O2 → 6CO + 5H2O

Le processus évolue dans la pratique en fonction de la température.

Au-dessous de 220° C : déshydratation

Au-dessus de 280° C : pyrolyse, production rapide de gaz inflammables.

Au départ, les gaz de combustion contiennent 10% de CO2, 33% de CO, 3 à 4% d’autres composés inflammables.

Les produits émis au cours des différentes étapes de la combustion du bois sont les suivants :

si T< 100° C : émission de vapeur d’eau ;

si 100 C<T< 275° C : production de CO2 (70%) et CO ;

Remarque : le chauffage prolongé à 120° C fait devenir le bois pyrophorique (auto-inflammable).

quand 275° C<T< 350° C : émission d’autres gaz combustibles (hydrocarbures) ;

à partir de T > 450° C : production d’hydrogène, d’hydrocarbures et combustion du charbon qui donne CO et CO2.

Dans un milieu confiné tel que l’ensemble formé par le platelage et la couverture de zinc, l’insuffisance d’oxygène et l’impossibilité de dissiper l’énergie développée par la combustion provoque l’entretien d’une combustion lente plus couramment nommée  » feu couvant ».

Lors de l’embrasement, les flammes portent leur environnement à une température de 500° à 1 200° C, dans des conditions de ventilation naturelle.
Les matériaux inflammables présents dans l’environnement sont alors portés à une température supérieure à leur température d’inflammation et, si la quantité d’oxygène est suffisante, leur inflammation propage l’incendie par rayonnement et par conduction thermique.

Exemple de feu de bois couvant : l’ incendie du Parlement de Rennes

L’incendie du Parlement de Rennes en 1994 constitue un exemple d’incendie important d’une charpente en bois.
Au cours d’une dure journée de manifestations violentes, les marins pêcheurs ont lancé des fusées de détresse contre les forces de l’ordre qui défendaient l’accès au Parlement de Bretagne.
Certaines de ces fusées à tir tendu, ont traversé les vitres blindées.
D’autres ont été tirées à tir indirect.
L’une d’entre elles est tombée vers 18 heures dans un chéneau posé sur une sablière sur laquelle s’appuyaient la charpente et un voligeage constitué de planches de bois recouvertes d’ardoises.
Il n’y avait pas de flammes apparentes.
Le bois du voligeage se consumait (feu couvant) à sa face supérieure.
Le gardien averti par un détecteur d’incendie signalant la présence de fumée dans les combles s’est déplacé à plusieurs reprises mais n’a rien vu.

A minuit les premières flammes sont apparues au faîte du toit et toute la toiture s’est aussitôt embrasée. Le feu couvant (combustion sans flamme en raison de l’insuffisance d’oxygène), s’était développé sur toute la surface du voligeage jusqu’à minuit.

L’arrivée au faîte du toit a créé une ouverture, un appel d’air et l’oxygénation du foyer.
La rapidité de cet embrasement et son étendue ont conduit à la destruction de toute la charpente et de certains bureaux installés dans les combles avant l’arrivée des pompiers.
Le feu a pu néanmoins être maîtrisé avant que la chute de pièces enflammées ne détruise les salles des étages inférieurs.
De nombreuses œuvres d’art ont été endommagées par l’eau d’extinction.
Fort heureusement il n’y eut pas de victimes causées par cet incendie.

L’expert incendie, une fois sur place a pu accéder aux chéneaux et  retrouver la fusée fautive qui a été prélevée ainsi que des débris calcinés du chéneau.
L’analyse de ces débris a montré la présence des constituants des artifices des fusées.
La reconstitution des conditions de l’incendie par l’Université de Lausanne sur un modèle de toiture mesurant un mètre carré a permis de confirmer cette hypothèse sur le déroulement des faits.

Le bois n’est pas seulement un combustible en tant que matériau de construction, il participe au potentiel calorifique du contenu des immeubles, comme constituant de nombreux meubles.

Le papier

Le papier est un combustible fréquemment rencontré dans les incendies.
Il est, comme le bois, constitué majoritairement de cellulose mais son comportement diffère selon la forme sous laquelle il se présente.
Sous forme de feuilles séparées et froissées, il est à l’origine d’incendies volontaires ou accidentels.

Les cigarettes mal éteintes jetées dans les corbeilles à papier ou dans les poubelles étaient des causes fréquentes d’incendie.
L’interdiction de fumer dans tous les lieux de travail et dans les établissements recevant du public fait disparaître progressivement ce risque d’incendie.

Le papier des livres dans une bibliothèque brûle mal en raison de l’insuffisance d’oxygène, alors que les papiers absorbants brûlent très facilement en raison de leur faible densité, conséquence de la présence d’air.

Les textiles

Dans les immeubles d’habitation, les chambres et les meubles de rangement contiennent couramment plusieurs centaines de kilos de textile (literie, vêtements, tapis, revêtements muraux).
Généralement, les tissus naturels, le coton notamment s’enflamment plus rapidement (à une température plus basse) que les textiles synthétiques.

Les matières plastiques

Les matières plastiques occupent une proportion de plus en plus importante des objets qui nous entourent.
Certaines d’entre elles contiennent des additifs retardateurs de flamme ou ignifugeants, mais la plupart sont des combustibles.
Lorsqu’ils font partie d’appareils électriques, ils sont susceptibles de chauffer jusqu’à atteindre leur température d’auto inflammation généralement autour de 300° C ou 400° C.
Le mécanisme de leur combustion est, en un peu plus compliqué que celui de la combustion des solides : fusion, vaporisation et pyrolyse du liquide de fusion, pyrolyse et inflammation des gaz de pyrolyse.

La pyrolyse des matières plastiques entraîne leur dépolymérisation.
Les chaînes des polymères sont rompues en fragments.
La taille des fragments dépend de la nature du polymère et de la température.

L’analyse des résidus des matières plastiques fondues ou brûlées permet souvent de les identifier.
A titre indicatif, la réaction simplifiée de la pyrolyse du polyéthylène, matière plastique très courante, est la suivante :

CH3(CH2)nCH3 → CH3(CH2)pCH3 + CH3(CH2)qCH=CH2+ CH2=CH(CH2)rCH=CH2

Il convient de remarquer que les hydrocarbures produits par la pyrolyse ne doivent pas être confondus avec les constituants d’un accélérant.

Les liquides inflammables

Parmi les liquides inflammables, ceux qui sont issus du pétrole (carburants pour véhicules, solvants) interviennent dans de nombreux incendies graves en raison de l’importance des volumes utilisés dans tous les secteurs d’activité.

Leur potentiel calorifique, leur volatilité, leur température d’inflammation augmentent les destructions et la rapidité des premières étapes de l’incendie.

Leur disponibilité et leur facilité d’inflammation sont à l’origine de leur utilisation comme « accélérant » pour commettre des incendies volontaires.

Les alcools (boissons alcoolisées, produits d’entretien, solvants) peuvent contribuer à l’augmentation du potentiel calorifique ou être utilisés comme accélérant lors de la mise à feu d’un incendie volontaire.

Identification des matières inflammables et recherche d’accélérants

L’identification des combustibles présents représente une étape importante de la détermination des causes des incendies.
Des bases de données permettent de connaître la chaleur de combustion de nombreux matériaux ou des objets les plus courants présents dans l’habitation ou dans les établissements industriels.

Pour des études spécifiques, les travaux de modélisation par exemple, le calorimètre à cône est utilisé.
Il permet de déterminer la quantité de chaleur dégagée lors de la combustion, la perte de masse, l’opacité des fumées et par couplage avec les méthodes spectrophotométriques, l’analyse des gaz de pyrolyse.

De nombreux incendies volontaires sont commis sans la mise en œuvre d’accélérants.
Cependant, les accélérants les plus fréquemment rencontrés sont des liquides inflammables et plus particulièrement l’essence, le gasoil, des solvants pour peinture.

Le prélèvement d’échantillons de résidus sur les lieux d’incendie est devenu l’une des opérations systématiques de l’enquête après incendie.
Elle est justifiée lorsque les premières étapes du feu sont particulièrement violentes et rapides, lorsqu’il apparaît des traces de carbonisation sur le sol, lorsqu’il n’existe pas de source d’énergie dans la zone de départ de l’incendie.

Les prélèvements ne sont pas justifiés si une cause accidentelle a pu être déterminée et s’il n’existe pas de zone privilégiée où prélever.

Il convient de remarquer que le déversement d’un demi-litre de liquide inflammable sur un support poreux (plancher par exemple) laissera une trace de l’ordre de 1 m2 après incendie.
Rappelons que ce sont les vapeurs du liquide qui s’enflamment et qu’il est donc possible de retrouver des traces du liquide dans le support poreux.

En absence d’indice permettant de privilégier une zone où effectuer des prélèvements, il convient de quadriller l’espace incendié en carrés d’un ou de deux mètres carrés et d’effectuer un prélèvement dans chaque carré : statistiquement parlant vous mettez toutes les chances de votre côté pour ne pas passer à côté du « bon » prélèvement essentiel à la manifestation de la vérité.

Il est clair qu’un seul prélèvement dans un espace de 100 m2 où il est supposé qu’un liquide inflammable a été déversé sans qu’apparaisse de zone privilégiée n’a qu’une chance sur cent d’être significatif.
Le prélèvement doit ensuite être placé dans un récipient en verre clos hermétiquement et conservé, si possible à basse température.

Il est nécessaire d’effectuer en dehors de la zone incendiée, un prélèvement de matériaux comparables à ceux du support du prélèvement de la zone incendiée pour disposer d’un échantillon « témoin ».
En effet la plupart des produits de traitement du bois ont pour solvant un mélange d’hydrocarbures qu’il convient de ne pas confondre avec un accélérant.

Les méthodes associant la chromatographie en phase gazeuse à la spectrométrie de masse sont les méthodes privilégiées.

La chromatographie et ses applications à l’analyse de traces après incendie font l’objet d’ouvrages spécialisés. Je me limiterai ici à l’interprétation des résultats des analyses.

Cette interprétation se fonde sur la comparaison des profils chromatographiques de l’échantillon inconnu avec ceux d’échantillons témoins.
Certains laboratoires utilisent comme échantillon de comparaison des liquides ayant partiellement brûlé sur des supports partiellement carbonisés.

Il est relativement facile d’identifier 100 hydrocarbures dans un carburant.
Des spécifications très précises sont imposées aux pétroliers : intervalles de distillation, tension de vapeur, point éclair, viscosité, indice d’octane ou de cétane, etc.
Il en résulte que les compositions sont très voisines et qu’il n’est pas possible de différencier les fournisseurs des carburants purs sauf dans des cas très particuliers où la nature et la quantité des additifs peuvent être déterminées.

Au cours des incendies certains hydrocarbures disparaissent ou subissent des modifications de structures : cyclisations, ruptures de chaînes qui entraînent des modifications des profils chromatographiques.

Classiquement il est admis que la présence dans l’échantillon inconnu de dix constituants d’un carburant apporte la preuve de la présence de ce carburant.
Si l’analyse n’a pas été effectuée aussitôt après le prélèvement certains hydrocarbures constituants des carburants peuvent avoir disparu par évaporation et sous l’effet de bactéries qui les «digèrent» spécifiquement.

Finalement, s’il est possible d’identifier la nature d’un liquide inflammable à partir de l’analyse de prélèvements il est actuellement impossible d’identifier son origine précise par chromatographie en phase gazeuse.

Le couplage chromatographie en phase gazeuse/spectrométrie de masse isotopique a été utilisée en géochimie pour étudier la genèse du pétrole.
L’application de cette méthode à l’identification des accélérants après incendie semble prometteuse.

Le comburant

Le comburant le plus fréquemment présent est évidemment l’air.
Dans des incendies particuliers, notamment dans l’industrie chimique, le comburant peut être un composé oxydant, un nitrate ou un chlorate par exemple.

Dans un milieu clos, le volume de l’enceinte où se produit l’incendie détermine la quantité d’air disponible et corrélativement, la quantité de matériaux inflammables qui peut brûler.

Quand la quantité d’oxygène devient insuffisante, les flammes s’éteignent et le feu continue en émettant des fumées et du monoxyde de carbone.

Il arrive que le feu s’éteigne de lui-même et que l’on retrouve simplement le plafond et les murs noircis jusqu’à une hauteur qui varie en fonction de la nature des combustibles et de la quantité d’air.

La chaleur dégagée par la combustion peut provoquer la rupture d’un vitrage de fenêtre.
Le confinement de l’enceinte disparaît alors et l’apport d’oxygène entraîne un embrasement brutal.
Je reviendrai plus loin sur ce phénomène (le « back draft ») qui peut être dû aussi à l’apport d’air par un évènement provoqué tel que l’ouverture d’une porte.

La source d’énergie

Dans une habitation lorsque sont rassemblées des matières inflammables et une quantité suffisante de comburant, les sources d’énergie possibles sont nombreuses :

          •  Appareils de chauffage, cheminées, foyers ouverts.
          •  Appareils de cuisson. Les utilisateurs d’appareils de cuisson ne sont pas toujours conscients du fait que quelque soit l’appareil de cuisson : traditionnel ou micro ondes, il importe d’adapter la puissance et la durée de la cuisson à la nature et à la quantité des aliments. La prise d’un feu dans les fours domestiques n’est pas rare.
          •  Installations en fonctionnement, en veille, ou restés branchés (TV, cafetières, aspirateurs, chargeurs de batteries, …). Les conseils d’économie qui consistent à ne pas laisser inutilement les appareils en veille sont aussi des conseils de prudence.
          •  Télévisions et ordinateurs. Il conviendrait d’installer des détecteurs et des alarmes lorsqu’il est indispensable de laisser les appareils en fonctionnement sans surveillance. Il convient de remarquer que ces détecteurs peuvent sauver des vies, notamment pendant la période de sommeil des occupants en les avertissant de la naissance d’un incendie. Ils seront toutefois de peu d’utilité pour éviter des dégâts matériels s’ils ne sont pas reliés à un système d’extinction automatique approprié, à un centre de surveillance ou si le signal diffusé n’est pas de nature à avertir des personnes du voisinage capables de transmettre l’alerte ou d’intervenir.
          •  Imprudence de fumeur, bougies. Des cigarettes et des bougies ont été utilisées comme moyen d’allumage à retard dans des incendies volontaires.
          •  Installation électrique, fusibles, contacts desserrés, surcharge des conducteurs, appareils de chauffage, contact lampe, halogènes. Les incendies d’origine électrique font l’objet de nombreuses controverses du fait qu’il est souvent difficile de décider si les destructions des installations sont à l’origine de l’incendie ou si elles sont dues à la chaleur de l’incendie. Les incendies dus à des courts-circuits sont rares car si l’installation est correctement réalisée, les protections interrompent l’alimentation électrique. Les incendies d’origine électrique proviennent le plus souvent de l’échauffement de conducteurs ou de connexions dans un environnement de matériaux inflammables.
          •  Électricité statique.
          •  Foudre.
          •  Énergie mécanique (frottements). Par exemple des inflammations d’herbes traitées avec du chlorate de sodium au voisinage des voies ferrées ont provoqué des incendies au passage des trains quand ce désherbant était encore autorisé. Des incendies de véhicules en marche, dus au fait que le frein à main n’avait pas été desserré existent également.
          •  Travaux par points chauds : flammes chalumeau, arc électrique (part de l’énergie qui ne peut être évacuée par conduction), tronçonneuse, meuleuse, étincelles. Les étincelles sont des particules de fer fondu ou en combustion.La température des particules provenant d’une disqueuse est de l’ordre de 800 C, très nettement supérieure à la température d’inflammation des matières plastiques. Les températures des particules provenant du soudage à l’arc ou d’opérations de découpage à l’aide d’un chalumeau oxyacétylénique sont beaucoup plus élevées.

La fréquence des incendies que ces opérations provoquent m’amène à les évoquer plus longuement.

Les travaux par points chauds :Risques particuliers du soudage à l’arc

Le principe du soudage à l’arc consiste à faire fondre la pièce à souder tout en lui apportant du métal par une électrode sous l’effet de l’énergie d’un arc électrique.
Dans l’arc électrique, la température est comprise entre 3 000° C et 5 000° C.
Elle permet d’obtenir la fusion de l’acier qui intervient vers 1 200° C.

Le surcroît d’énergie qui ne peut pas être entièrement dissipé par échange thermique avec la pièce à souder et l’environnement, se dégage sous forme d’énergie mécanique : arrachement de particules de métal et projections.
Ces particules deviennent incandescentes en raison de leurs petites dimensions et de la très haute température qu’elles atteignent.
Elles brûlent au contact de l’air.
Leur température peut alors atteindre plus de 2 500° C.
Généralement, leur couleur passe du blanc au rouge au fur et à mesure qu’elles s’éloignent du point d’origine.

Il est fréquent qu’elles retombent à une distance de 3 à 10 mètres en restant incandescentes.
Ceci se manifeste par leur couleur rouge qui indique qu’elles sont encore à une température de 800° C environ.
A cette température un temps de contact de quelques secondes avec des matériaux tels que les polyesters dont la température d’inflammation est approximativement de 300° C peut suffire à provoquer leur mise à feu.

Les travaux par points chauds : Risques particuliers du découpage oxy-acétylénique

Le principe de l’oxycoupage est d’obtenir ponctuellement la fusion du métal à l’aide de la flamme d’un chalumeau oxyacétylénique puis, par un apport d’oxygène en excès, de provoquer la combustion du fer. La température des particules atteint 2 830° C.

Dans son ouvrage « La Cause d’un Incendie Analysée en Criminalistique. Aspects physico-chimiques du feu ; leur influence dans l’investigation », Jean-Claude Martin propose le calcul de la capacité calorifique d’une goutte de métal de 2,5 mm de diamètre produite par des travaux au chalumeau. Tout en notant que ce calcul ne peut être qu’imprécis, il obtient la valeur de 577,5 Joules dont il indique qu’elle est « susceptible d’amorcer l’allumage d’un matériau combustible ».

Les travaux par points chauds : Risques des travaux d’étanchéité

Les travaux d’étanchéité constituent une cause d’incendie dont l’origine se situe en partie haute des bâtiments.

Citons un cas réel d’un incendie d’entrepôt à l’occasion de travaux effectués alors que l’établissement restait en exploitation.

Des travaux de pose d’une couche d’élastomère faisaient appel à un chalumeau au propane. S’il est possible d’effectuer ce travail sans enflammer l’élastomère, ce matériau est inflammable à partir de 400° C alors que la flamme du chalumeau est de l’ordre de 800° C à 1 000° C.

L’incendie n’est évité à l’occasion de la plupart des travaux d’étanchéité que parce que les ouvriers expérimentés et attentifs, ne laissent jamais le chalumeau immobile sur l’élastomère.
En imprimant à la flamme un mouvement d’amplitude et de vitesse convenables, le matériau n’accumule pas l’énergie nécessaire à sa pyrolyse et à son inflammation.
Si, accidentellement, les caractéristiques du mouvement n’obéissent pas à ces impératifs, un incendie survient.

Les travaux qui impliquaient un désamiantage, étaient effectués alors que l’entrepôt restait en exploitation.
Une feuille de matière plastique (polyane) avait été tendue au-dessus des produits stockés pour éviter la chute de particules d’amiante.
Les produits stockés étaient palettisés avec un film de polyéthylène.
Le haut des palettes était distant de 20 cm environ du film protecteur des chutes d’amiante.
Des gouttes de l’élastomère en cours de pose ont mis le feu au film protecteur puis au film des palettes. Les dégâts étaient plus importants en partie haute qu’au niveau du sol dans la zone des palettes.

Aucun permis de feu n’avait été établi.

Si un permis de feu avait été demandé, les échanges d’information auraient permis de sensibiliser les différentes entreprises au risque d’incendie.
Les sociétés qui devaient utiliser des chalumeaux ou des disqueuses susceptibles d’émettre des particules chaudes pouvaient et devaient refuser de travailler dans des conditions dangereuses pour les opérateurs, pour les personnels éventuellement présents dans l’entrepôt et pour les matériaux et matériels entreposés.

Les travaux par points chauds : Respect de la réglementation applicable : le permis de feu

Les précautions à respecter à l’occasion de travaux par points chauds ont fait l’objet de nombreux textes, qui, s’ils ne sont plus en vigueur compte tenu des évolutions administratives, sont devenus des règles de l’art.
Il en est ainsi de l’ordonnance du 16 février 1970 du Préfet de Police.

Le fascicule «Prévention des risques professionnels sur les chantiers» édité par la Chambre Syndicale Nationale de l’Etanchéité contient un paragraphe « Permis de feu » :

« En cas de travaux d’entretien ou de réfection sur bâtiments relevant des activités industrielles ou com- merciales, il doit être établi une autorisation type « permis de feu ». N’utiliser le fondoir ou le chalumeau qu’après remise de ce document par le maître d’ouvrage ».

Dans les entrepôts et les établissements industriels, les travaux de transformation et de maintenance sont les plus fréquentes causes d’incendie.

Les travaux de maintenance sont souvent sous-traités par des entreprises qui interviennent dans des lieux mal connus et dans des conditions inhabituelles.

Incendies de véhicules

Les véhicules automobiles ont un potentiel calorifique important du fait de la quantité de matières plastiques (éléments de carrosserie, sièges, revêtements intérieurs) qui entrent dans leur construction et du carburant qu’ils transportent.

Les incendies volontaires de véhicules sont nombreux.
A l’occasion de manifestations, ils sont souvent perpétrés par le bris d’une vitre suivi du jet d’un objet enflammé.

L’équipement électrique du compartiment moteur et de l’habitacle fait que les sources d’énergie possibles sont nombreuses et que les incendies accidentels sont relativement fréquents.

Comme dans le cas général des incendies, l’enquête aura pour premier but de déterminer le lieu d’origine de l’incendie : compartiment moteur (indice le plus souvent d’une cause accidentelle), habitacle (cause électrique ou incendie volontaire), extérieur du véhicule (incendie volontaire probable).
Dans le cas d’un incendie dans l’habitacle, une recherche de liquide inflammable dans les matériaux poreux (moquette quand il en reste) permet de privilégier l’hypothèse d’un incendie volontaire.

Les équipements électroniques de plus en plus nombreux dans les véhicules modernes qui restent alimentés même à l’arrêt des véhicules, sont à l’origine d’incendies qui peuvent se produire plusieurs heures après l’arrêt du véhicule.

La propagation de l’incendie

Nous avons vu comment naît un incendie.

Il importe de comprendre comment se produit sa propagation.

Propagation continue

A partir du foyer initial, le feu peut se propager par différents mécanismes.

  • Conduction (transmission de chaleur à l’intérieur d’une substance ou entre matériaux en contact des points les plus chauds aux points les plus froids).
  • Convection (transmission de la chaleur dans un fluide. Les zones en contact avec la source de chaleur se dilatent deviennent moins denses et s’élèvent faisant place à des éléments plus froids).
  • Rayonnement (les surfaces chauffées émettent des radiations dont l’intensité dépend de la température et de la nature des surfaces ainsi que de la nature du milieu ambiant).

Ces modes de propagation obéissent à des fonctions continues.

La propagation se poursuit jusqu’à la consommation complète des produits inflammables, par la privation d’oxygène ou par la diminution de température.
Ces deux derniers phénomènes sont ceux qu’exploitent les pompiers pour éteindre les feux.

Un procédé physique intervient parfois localement : l’inhibition des flammes.
Il a été observé lorsqu’il n’y a pas de propagation de flamme dans un tube fin.
Les espèces activées (atomes ou radicaux) sont désactivées contre les parois.
Ce phénomène est exploité avec la grille des lampes de mineurs. Les lampes antigrisou DAVY sont munies d’une grille de 100 mailles /cm2. Le grisou est constitué majoritairement de méthane.

Propagation discontinue

Toutes les propagations ne suivent pas une fonction continue.

C’est le cas lorsqu’il y a projection ou chute de matériaux et de particules embrasées que j’ai évoquée au sujet du soudage à l’arc et des travaux d’étanchéité.

C’est également le cas dans des circonstances particulières telles que les explosions de fumées (back draft) et l’embrasement éclair généralisé (flash over).

Back draft : déflagration de fumée

Il convient de remarquer qu’à « explosion de fumée » que j’utilises ici pour traduire l’expression anglo- saxonne « back draft », il serait préférable de choisir l’expression « déflagration de fumée » : combustion qui se propage à vitesse subsonique dans un mélange combustible.

Les explosions de fumées sont bien connues et les équipes de pompiers en tiennent compte.
Je vous ai déjà évoqué ce phénomène qui consiste en un passage instantané d’une combustion lente à une combustion vive par un apport d’oxygène : ouverture d’une porte ou bris d’une vitre par exemple.

Flash over : embrasement éclair généralisé

Le flash over est un phénomène beaucoup moins familier.
On peut toutefois se demander s’il est une exception ou le cas le plus courant dans les feux dans des locaux.
Compte tenu de sa rapidité, il est difficile à prévoir et à éviter.
Il a été à l’origine de nombreuses victimes, notamment parmi les pompiers.

Ce phénomène est décrit en 1972 dans l’ouvrage « L’Incendie ».
Il y est écrit qu’il s’agit d’un « terme intraduisible en français ».
Il a depuis été traduit par l’expression « embrasement éclair généralisé ».

Un exemple d’affaire permet d’expliquer et d’illustrer ce phénomène :

A la suite d’un incident d’origine électrique un feu s’est déclaré dans une chambre du 7ème étage d’un immeuble.

Un petit feu se propageait dans la literie et les vêtements accumulés par les occupants.
La fenêtre était ouverte.

Les gaz chauds et les particules de fumée qui résultaient de la combustion ont monté et ont provoqué l’élévation de la température au niveau du plafond.

Il convient de remarquer que la fenêtre n’atteignant pas le niveau du plafond, il pouvait se former une couche de gaz chauds de 30 centimètres environ sous le plafond.

Après s’être absentée, l’occupante des lieux est revenue.
Lorsqu’elle a ouvert la porte son visage a été noirci par la fumée.
Elle n’a pas été brûlée.
Ceci signifie que, malgré l’ouverture de la fenêtre, la porte étant fermée, la combustion n’était pas complète et qu’il existait une surpression dans la chambre.
Lorsque la porte a été ouverte, une partie des gaz et de la fumée sont restés dans le volume limité par le haut de la fenêtre et le haut de la porte.
Parmi les gaz émis par l’incendie, il existait des gaz combustibles dont la liste complète est impossible à établir, le monoxyde de carbone pouvant être majoritaire compte tenu de la combustion incomplète.

Cinq minutes plus tard un pompier indique qu’il voit des petites flammes.
La combustion n’était plus limitée par la quantité d’oxygène disponible.
L’énergie dégagée a donc augmenté et la température des gaz, du plafond et des murs s’est donc encore élevée.
C’est à ce moment que s’est présenté un autre pompier devant l’entrée de la chambre.

L’apparition de la fumée « gris-jaune » (signe de la pyrolyse de matières halogénées) dans l’escalier est constatée. Ceci indique que des produits synthétiques brûlent.

Quatre minutes plus tard des flammes tournoyaient dans la chambre.

Ceci indique que le flashover est imminent c’est-à-dire que l’embrasement va se produire dans un délai de quelques secondes à quelques minutes.
Il est préconisé dans la situation de pré-flashover de ne créer d’ouverture qu’en partie haute pour éviter une décompression au niveau du local incendié.

Tout à coup lorsque la température a atteint 600°C, l’embrasement éclair généralisé dans la chambre a provoqué la combustion de tous les gaz inflammables (auto inflammation de CO : 605°C, du benzène : 560°C, du méthane : 600°C ), de la peinture des murs des couloirs, des gaines en matière synthétique des 7ème et 8ème étages, soit par la propagation continue de la flamme issue de la chambre dans le mélange de gaz inflammables, soit par un second embrasement généralisé dû à l’élévation de la température de l’ensemble du volume par le premier.
Les embrasements éclair généralisés provoquent des effets en cascade dans les structures gigognes (la chambre est «emboîtée» dans le volume de l’étage).

Le débit (150 l/min) de la lance du dévidoir tournant dont disposait le pompier n’avait pas un débit qui aurait permis de refroidir suffisamment les murs et le plafond de la chambre pour éviter l’inflammation généralisée de tous les matériaux combustibles présents dans la chambre.

Un débit de 500 l/min aurait été nécessaire.
Ce pompier s’est trouvé sur le passage d’une onde de gaz enflammée.
La température a atteint 1 000° C.
Brûlé au visage par son masque, il a eu le réflexe d’enlever l’ensemble casque-masque avant de perdre connaissance sur place.

Au moment où se produisait l’embrasement généralisé éclair dans la chambre, des gaz chauds comportant des éléments combustibles et des fumées avaient déjà empli le volume des couloirs du 8ème et du 7ème étage. Il est probable que les gaines verticales du réseau câblé commençaient à brûler (existence de fumées gris- jaune).

Il s’en est suivi l’inflammation rapide de tout le volume formé par le 6ème et le 7ème étage, conduisant à une température supérieure à 450° C.
A cette température, les équipements de protection ne peuvent plus être efficaces pour protéger les intervenants des brûlures dues à l’accumulation de la chaleur dans les vêtements isolants, ni des brûlures dues à l’évaporation brutale de l’eau qui peut imprégner les matériaux poreux.

L’impossibilité d’assurer l’étanchéité parfaite de certaines parties des appareils respiratoires aux gaz à haute température a provoqué l’apparition d’œdèmes pulmonaires dont l’issue a été fatale à plusieurs intervenants.

Modélisation : L’ingénierie de la sécurité incendie

Depuis 1970 des modèles ont été proposés pour représenter l’évolution des incendies.

L’objectif était de déterminer de manière scientifique les dispositifs de sécurité adaptés à la nature des bâtiments et à leur usage notamment lorsqu’il s’agissait de constructions nouvelles : grands espaces (atrium), immeubles de grande hauteur, pour lesquels l’expérience du comportement des structures et des occupants n’existait pas.

Il a été ainsi possible de fixer les caractéristiques des dispositifs de désenfumage (dimensions et débits) à partir de la détermination de l’épaisseur de couches de stratification de fumées dans le cas d’incendie.

Les modèles ont été perfectionnés, ils sont généralement fondés à la fois sur la géométrie des bâtiments, la détermination du potentiel calorifique, la dynamique des fluides, la chimie et la cinétique des phénomènes de pyrolyse, les caractéristiques de la ventilation, etc.

Le résultat des calculs est généralement présenté sous forme de représentation à 3 dimensions sur lesquels apparaissent les températures atteintes, les mouvements des fumées, la concentration des gaz toxiques.

La qualité des résultats obtenus dépend des approximations nécessaires pour modéliser les phénomènes et de la qualité des données physiques utilisées.

Conclusion

En France, un projet national associant tous les organismes, laboratoires et bureaux d’études concernés, a reçu pour mission de mettre au point une méthode permettant de passer d’une réglementation prescriptive à une réglementation par objectifs fondée sur une évaluation du risque et aboutissant à l’évaluation de mesures correctrices ou compensatoires déterminées en termes de rapport coût/efficacité.
Les études en cours portent sur différents scénarios correspondant à des feux réels.

Compte tenu des données issues de cette démarche, plusieurs organismes d’enquête aux Etats-Unis puis en France, le Laboratoire Central de la Préfecture de Police utilisent la méthode, codes informatiques notamment, pour tester les hypothèses dans les cas difficiles à résoudre.
Des résultats intéressants ont été obtenus notamment dans le cas d’un feu de cage d’escalier où il a été possible de confirmer que l’incendie avait pour cause la mise à feu de poussettes sans mise en œuvre d’accélérants.

Très prometteuses, ces méthodes seront appelées à être de plus en plus employées.
Il faut souligner qu’elles imposent aux enquêteurs une attention particulière dans le recueil d’informations ainsi qu’une compétence et une expérience indispensables pour proposer des scénarios pertinents et interpréter les résultats.

Le risque est en effet que certains modèles statistiques permettent de standardiser certaines situations et de combler par des moyennes de valeurs enregistrées dans des bases de données, les lacunes des observations effectuées sur le terrain.

Le résultat fourni par le modèle ne pourra être que la comparaison entre la situation de l’incendie à élucider avec le modèle le plus courant.

error: Alert: Contenu protégé !!